La qualité de mes nuits ne s'améliore pas depuis déjà un bon moment. Ce problème est intermittent et il me dérange. J'aimerais ne plus avoir sommeil en soirée et pouvoir me coucher avant minuit, mais ces siestes en soirée font en sorte que je n'ai pas sommeil pour aller dormir plus tôt. Me lever comme je le fais à midi et parfois un peu plus tard, ce n'est pas avoir une vie "normale". Je suis si fatiguée parfois en soirée, je ne peux écouter mes émissions, le sommeil me rattrape et lorsque je me réveille je m'aperçois que mes émissions sont terminées.
Cette routine est néfaste pour mon état général et j'avoue que ça touche également mon moral. Ma vie n'a plus de sens, je me sens triste, fatiguée et déprimée de ne pouvoir avoir des journées complètes. Se lever à midi comme je le fais, la moitié de la journée est déjà passée.
Ces deux derniers mois ont été pénibles avec les examens, la fatigue et la douleur, je ne me sens pas capable de reprendre le dessus malgré ma volonté de le vouloir. C'est difficile moralement, parce qu'en dehors des examens, des traitements et des courses, je ne vois personne. Je n'ai plus de vie sociale, les gens que je côtois je les rencontre en faisant mes courses et ma vie sociale s'arrête là.
J'aimerais retrouver une vie sociale, mais c'est difficile parce que des amies qui vivent ici je n'en n'ai plus. Elles sont toutes déménagées à l'extérieur pour refaire leur vie et nous avons perdu le contact.
Même du côté familial ils sont tous éloignés et on ne se voit pas autant que je le voudrais. Ma fille ne nous visite pas régulièrement, nous la voyons environ 4 fois par année. Nous la visitons plus qu'elle nous visite.
Même si l'entente n'est pas parfaite entre elle et moi, j'aimerais vivre plus près d'elle, ça me permettrait de la voir plus souvent. Et si un jour elle à des enfants, je trouverais triste de la voir si peu parce que le désir de voir mes petits enfants serait très présent. Quoi de plus normal que de vouloir voir grandir nos petits, de les gâter, de les dorloter et de les aimer.
Nous avons déjà eu une discussion à ce sujet et je lui disais que si je devenais grand-maman, je voudrais lui rendre visite plus fréquemment afin de les voir le plus souvent possible. Comme ça grandit rapidement, la première année passe très vite de la naissance à l'âge d'un an et ce sont les plus beaux moments selon moi. Ils apprennent à marcher, à parler et nous ne voulons rien manquer. Elle m'a répondue à ce moment que je serais la bienvenue aussi souvent que je le désirerais.
Lorsqu'elle est venue nous visiter le 22 décembre dernier, elle a prononcé une phrase qui m'a fait mal. Elle m'a dit que mon désir de vouloir lui rendre visite plus fréquemment si elle avait des enfants, la dérangerait et que ça lui a fait peur que je veuille les visiter aussi souvent et que pour cette raison, elle désire encore moins avoir des enfants. Je l'ai regardé étonnée et mon visage exprimait sûrement le chagrin parce qu'elle a ajouté que c'était une "blague". Cependant, je ne crois pas qu'elle l'a dit en blague, ma fille est directe et parfois très blessante dans ses propos.
Nous avons eu dans le passé une discussion concernant notre relation qui je l'avoue est difficile, nous avons souvent des différends. Je lui avais dit que je croyais que d'avoir le cancer nous rapprocherait et sa réponse encore une fois blessante m'a touchée en plein coeur lorsqu'elle m'a dit: Ne te sers pas de ton cancer pour faire du chantage émotif. Elle est dure et je trouve très difficile notre relation. Pourtant lorsque je lui ai raconté ma dernière visite chez l'oncologue, elle était touchée et souhaitait de tout son coeur que mon traitement continu d'agir afin que je ne sois pas dans l'obligation de débuter la chimiothérapie. Mon cancer était stable depuis un bon moment et dans sa tête à elle je vais bien et il n'y a pas mesure à s'inquiéter, mais depuis que je lui ai parlé de ma visite chez l'oncologue, cela a semblé la toucher à prime abord mais elle ne laisse transparaître aucune émotion.
C'est pour ces raisons qu'en 2013 je souhaite que ma fille puisse comprendre ce que je vis et qu'elle me soutienne comme une fille le fait en général avec sa mère lorsqu'elle l'aime, d'avoir moins de douleur, que mon traitement actuel continue de garder mon cancer stable, de retrouver une routine de vie plus régulière, de pouvoir vaquer à mes occupations sans trop souffrir, de pouvoir reprendre la marche et faire du vélo, à m'occuper l'été prochain de mes plantes. Si les douleurs actuelles persistent, je ne pourrai pas entretenir mes fleurs comme je l'ai fait jusqu'à l'été dernier et ce serait difficile moralement.
Je voudrais aussi que mon mari me fasse plaisir et qu'il m'accompagne en voyage. Il sait que j'adore faire un voyage l'hiver à la chaleur, ce que je fais depuis que j'ai appris mon cancer. Que ça m'aide moralement et physiquement et que ça fait tant de bien de n'avoir rien d'autre à faire que de ne penser qu'à soi. Je n'ai pas le goût de partir avec une amie depuis que je suis plus souffrante, c'est avec lui que je désire partir, je ne comprends pas pourquoi il s'obstine à ne pas vouloir me faire ce plaisir. Nous avons nos rêves et nous voulons réaliser ceux qui sont réalisables, et même si j’ai fait quelques voyages, je ne me lasse pas de revoir la mer et d’être à la chaleur dans un décor paradisiaque.
Si c'était lui qui était malade et qu'il me demandait de l'accompagner, je le ferais parce que je me dirais que ça pourrait être son dernier voyage et qu'il mériterait de réaliser ce rêve avant de partir. Je me sentirais tellement mal qu'il parte sans lui avoir fait ce dernier plaisir. On dit que nous devons vivre un jour à la fois, parfois j'ai de la difficulté parce que depuis que je souffre autant, je songe que c'est peut-être le temps pour moi de me dépêcher à réaliser tout ce qui est encore réalisable pour moi avant que je ne le puisse plus.
Nous avons le même âge mon mari et moi et même avec mon état de santé qui décline, je crois que je suis moins pantouflarde que lui. J'aimerais qu'il aime faire des balades en voiture, qu'il aime aller manger au restaurant, qu'on regarde un film ensemble, qu'on parte en escapade un week-end de temps à autre, mais tout ce que je viens d'énumérer ce n'est pas compliqué, il n'aime pas. Le mot bonheur pour moi n'a plus de sens, je ne suis pas heureuse de vivre ainsi alors que je voudrais tant qu'on puisse partager des choses que nous aimerions tous les deux.
C'est peut-être le fait que je sois en moins bonne forme physique et morale que je ressente autant que ça me rend malheureuse de ne pouvoir faire des activités avec lui. Avant la maladie nous partagions des passions que la maladie m'a forcée à laisser tomber et c'est malheureux parce que depuis, je ne sais plus à quoi ressemble le bonheur et il ne doit plus le savoir lui non plus.
Le bonheur ce n'est pas de se battre continuellement, nous avons besoin de vivre encore de bons moments pour nous aider à garder l'équilibre mental qui permet de s'accrocher pour continuer de se battre. Si ma vie continue ainsi, je me demande à quoi bon vouloir continuer sans avoir la chance de partager des petits bonheurs avec mon mari. Ce serait si merveilleux.